Lundi 22 octobre 1917

Carte d’essence, carte de charbon et restriction sur la carte de sucre, qui devient insuffisante – une livre par mois – mes deux vieux malades vont pâtir hélas !

Au lieu d’organiser la distribution des cartes de charbon en différents lieux par ordre alphabétique, on la fait sans ordre à l’hôtel de ville, salle du conseil ; on passe par paquets, queue, bousculade, temps perdu, énervement, les plus effrontés se faufilent aux premiers rangs, la police est obligée d’intervenir.

« Je suis déjà venue ce matin sans pouvoir entrer.

– Ah ! ils ne plaignent pas notre temps. Je perds une demi-journée.

– Pas de danger que les femmes riches viennent chercher leur carte !

– J’en ai vu une qui l’a depuis quinze jours.

– Comment ferai-je moi qui n’ai pas de gaz pour nourrir et chauffer un mois trois personnes avec 60 kg de charbon ? »

Une femme âgée en deuil soupire :

« Et moi ! Mon fils est revenu si malade d’Orient !

– Ah ! il faut que ce soit bien malsain Salonique. Il est resté quinze ans à Mada[g]ascar, soit sur le plateau, soit sur les côtes sans prendre les fièvres. Aujourd’hui, il est miné, méconnaissable.

– Laissez passer les catins si vous ne voulez pas avoir la figure noire de coups. »

( cet avis s’adresse à moi.) Je viens chercher du charbon mais pas du charbonnage ! Attention ! la porte de la salle s’ouvre. Poussée par la foule, j’entre comme un projectile et trouve les employés rouges, agacés. M. de F. s’excuse de cette mauvaise humeur : « On voulait enfoncer les portes, il faut faire la police et la distribution. » Servi, l’on court chez le marchand de charbon. Celui-ci n’a que des boulets ; encore est-on heureux d’en trouver, car le froid pique.