Lundi 4 janvier 1915

 

Lettre de Corentin.
Corentin Lévénez, engagé volontaire de 35 ans, a eu les fesses gravement endommagées à la bataille de la Marne. Soigné à Brive, il est mis, fin novembre, en congé de convalescence de deux mois. On l’envoie à Sarlat ; au bout de trois ou quatre jours, il s’ennuie et part pour Paris, où il s’ennuie au bout d’une semaine ; on l’envoie donc en Bretagne, près de sa vieille mère, où il ne peut rester tranquille que huit jours et d’où il repart pour le front. Il écrit de là qu’il a été blessé à la joue mais que ce n’est rien, qu’on a pris une position aux Boches, qu’on va les déloger d’une autre, que la lutte est plus terrible que jamais et qu’enfin il ne s’ennuie plus !

La Croix de la Corrèze, 27 décembre 1914. Archives municipales de Brive, 8 S 998.

La Croix de la Corrèze, 27 décembre 1914.
Archives municipales de Brive, 8 S 998.


Jeudi 14 janvier 1915

Nommez des représentants qui soient allés au feu…

Un mineur du Nord, amputé d’une jambe. Il s’inquiète de savoir où l’on l’enverra quand il sera rétabli.
« Mais, chez vous en congé, dit l’infirmière.
– Comment chez moi ! Vous voulez dire au front !
– Mais mon pauvre ami, votre jambe…
– Qu’est ce que ça fait, ma jambe ? C’est pas avec mes pieds que je tire ! »

Mort du .

Que de fois les yeux s’emplissent de larmes ! mais on les refoulent. Est-ce qu’on allait manquer de courage ?

Blessés.
L’un d’eux a reçu douze balles et porte vingt-quatre « boutonnières » ; un autre a reçu neuf balles et en a encore six dans le corps (sous l’omoplate, au poumon).
« Mais, dit philosophiquement le chirurgien, ça n’empêche pas de vivre. J’ai retiré, il y a dix ans, à un combattant de 1870, une balle qui était venue à fleur de peau au bout de trente-cinq ans ! »

 

 

Photographie. Collection Les Amis des Chadourne.

Photographie. Collection Les Amis des Chadourne.

Félix de La Salle de Rochemaure (1856-1915)

Né à Aurillac (Cantal), le duc Anne Louis Hercule Félix de La Salle de Rochemaure est un historien, écrivain folkloriste et conférencier, tant en français qu’en langue d’oc. Majoral du Félibrige et capiscol de l’École auvergnate, il décède le 6 janvier 1915.

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Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, département Littérature et Art, 8-YE-8201.

Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, département Littérature et Art, 8-YE-8201.


Vendredi 15 janvier 1915

Journée douloureuse : recul des nôtres à  ; mauvaises nouvelles de plusieurs de nos soldats ; la mère Saule vient en larmes me demander de faire chercher son fils blessé par un éclat d’obus et disparu ; un voisin m’annonce qu’il a un pied gelé ; le patient et brave Paul C., qui était porté à l’ordre du jour et allait recevoir de nouveaux galons, avoue, désespéré, qu’il ne peut plus supporter le bruit de la batterie d’artillerie lourde qu’on lui a confiée et qu’il demande à revenir aux  : il éprouve des maux de tête terribles et le sang lui sort par les oreilles. Chaque jour, je découvre une nouvelle forme de souffrance causée par la guerre moderne.

 

 

Éclats d’obus reçus dans la région frontale gauche par le soldat de 2e classe Eugène Cogne (1892-1992), du 2e régiment de tirailleurs algériens, le 25 juillet 1916 à Souville lors de la bataille de Verdun. Collection Jérome Grzybek.

Éclats d’obus reçus dans la région frontale gauche par le soldat de 2e classe Eugène Cogne (1892-1992), du 2e régiment de tirailleurs algériens, le 25 juillet 1916 à Souville lors de la bataille de Verdun.
Collection Jérome Grzybek.

« Souvenir de l’ambulance 235 SP 24 de Chaumont-sur-Aire le 3 août 1916. 9e jour de ma blessure. » Signé : Eugène Cogne. Collection Jérome Grzybek.

« Souvenir de l’ambulance 235 SP 24 de Chaumont-sur-Aire le 3 août 1916. 9e jour de ma blessure. »
Signé : Eugène Cogne.
Collection Jérome Grzybek.

***

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 877.

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 877.

 

Soissons

Commune de l’Aisne (Picardie), Soissons est l’une des villes martyres de la Grande Guerre. Après la bataille de la Marne, le front se stabilise au nord de la ville mais celle-ci est bombardée jusqu’en 1917.

Carte postale. Collection Mme Lagarde.

Carte postale. Collection Mme Lagarde.

Canon de 75

Inventé par le commandant Deport et le capitaine Étienne Sainte-Claire Deville, le canon de 75 mm modèle 1897 est la pièce d’artillerie la plus célèbre de l’armée française en 1914. Grâce à sa supériorité technologique, il devient rapidement un des symboles de la nation luttant contre l’envahisseur.

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Carte postale. Collection Gérard Gautherie.

Carte postale. Collection Gérard Gautherie.


Dimanche 17 janvier 1915

 

Comme il sera aisé d’accabler nos hommes politiques avec les citations, les extraits de leurs écrits antérieurs à la guerre ! Quel tissu d’âneries pernicieuses, effroyables, bénies !

 


Mardi 19 janvier 1915

 

Et nous nous entredévorons, nous nous saignons à blanc, Européens, entre l’Amérique profiteuse et l’Asie inquiétante…
Germains, Germains, quel rôle néfaste vous aurez joué !

Entre les prévisions contradictoires des journaux, il est impossible de se faire une idée juste de la situation. Celui-ci dit qu’au train dont nous allons, nous mettrons onze ans pour parvenir à Berlin, et que les Boches sont encore très redoutables ; cet autre assure que l’Allemagne va manquer de tout et que les Japonais arrivent, etc., etc. Si nous avions besoin de ces derniers, j’en aurais honte.

C’est par peur, par lâcheté que les Boches massacrent et incendient ; pour qu’on n’ose pas leur résister et tirer sur eux…

 

Le Pays de France, 4 février 1915. Archives municipales de Brive, 28 C 13.

Le Pays de France, 4 février 1915.
Archives municipales de Brive, 28 C 13.


Jeudi 20 janvier 1916

 

Je n’aurais pas cru les hommes aussi mauvais qu’ils le sont. Je comprends maintenant les mots de Jésus : « Mon royaume n’est pas de ce monde. »

Une malédiction pèse sur l’homme. Sans cela, agirait-il toujours comme il le fait contre ses véritables intérêts, c’est-à-dire contre la justice et la charité, contre la loi divine et humaine ?

« Parce qu’il sait, l’hom[me] échappe au froid, à la faim, aux terreurs superstitieuses, aux esclavages moraux économiques et politiques. S’il les subit encore en partie, cela vient de ce qu’en tous ces ordres de choses, son ignorance n’est point complètement dissipée, de ce que le savoir est très inégalement réparti entre les individus, de ce qu’enfin tous n’ont pas encore assez étudié ou assez réfléchi pour comprendre que le bien particulier en harmonie, avec le bien général, repose sur la meilleure justice et la plus grande somme de vertu possible. »

 


Vendredi 22 janvier 1915

Quand le temps se refroidit, je rentre mes plantes le soir et je songe à tous ces bons fils de la France qui passeront la nuit dehors, immense couvée qu’on voudrait savoir abritée sous les ailes de la France maternelle et non offert à tous les périls !

 

 

La Croix de la Corrèze, 24 janvier 1915. Archives municipales de Brive, 8 S 1003.

La Croix de la Corrèze, 24 janvier 1915.
Archives municipales de Brive, 8 S 1003.


Samedi 23 janvier 1915

 

Paroles françaises.
Après Reims et Arras,  est menacé de destruction. Les obus allemands et français s’y croisent et rivalisent de dégâts. Hier donc, on a évacué sur notre hôpital cinq ou six Soissonnais blessés. L’un d’eux, qui a une jambe broyée, dit : « Ce n’est rien ! tous ces ennuis finiront bientôt ! » Tantôt, la délicieuse Louise Marsac, une rousse de 18 ans qu’on aime rien qu’en l’apercevant, confiait à sa meilleure amie : « S’il ne fallait qu’une vie pour faire cesser ce massacre, que je serais heureuse de donner la mienne ! »

Kultur allemande appliquée à l’enseignement des maîtres allemands, Meyerbeer, Schumann, etc.

 

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 913.

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 913.

Soissons

Commune de l’Aisne (Picardie), Soissons est l’une des villes martyres de la Grande Guerre. Après la bataille de la Marne, le front se stabilise au nord de la ville mais celle-ci est bombardée jusqu’en 1917.

Carte postale. Collection Mme Lagarde.

Carte postale. Collection Mme Lagarde.