Mercredi 1er janvier 1919

Un nouveau millésime. Il m’apparaît toujours comme une de ces inscriptions mystérieuses, qui se dessinent sur le ciel ou sur une muraille pour prédire aux hommes d’une manière vague de grands événements. Ces deux chiffres répétés 19… 19 semblent avoir quelque chose de cabalistique ; il[s] sont gros d’espoirs et de menaces.

L’alarme des premières semaines fait place à une résignation, un fatalisme voisin de l’insouciance.

Je ne les écris pas pour la première fois avec indifférence. Le monde est si malade ! Va-t-il entrer en convalescence ou son état s’aggravera-t-il ?…

 

Histoire de France populaire… du Centre.

La petite Lulu, dont le père travaille à la « manu », est venue me souhaiter la bonne année. Elle déclare :

« La guerre est finie parce que nos soldats n’ont plus voulu marcher !

– Qui t’a raconté cela Lulu ? »

Tout le monde le dit à la « manu ». Comme l’anémie dispose à la maladie, l’ignorance dispose à l’erreur pernicieuse.

 


Dimanche 5 janvier 1919

Turmel[1] est « mort ».

S’évader dans la mort, ressource dernière de maint coupable. Mais il y a des cas de mort apparente…

Guillaume est bien malade ; sa mort – réelle ou apparente – tirerait d’affaire beaucoup de gens à commence[r] par lui.

Ne pourrait-il même assister à ses funérailles comme un autre empereur d’Allemagne et, trépassé en qualité de souverain, continuer de vivre à titre privé ?

Le drame, la comédie ou le mystère s’apprête-t-il ? pour le Néron germanique ?

[1] Louis Turmel (19 février 1866-5 janvier 1919). En savoir plus : http://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche/(num_dept)/7177.

 


Mercredi 15 janvier 1919

Anecdote rapporté par le cap[itaine] Lacombe, prisonnier de guerre : en Belgique, des soldats boches découvrent des boîtes de vaseline. Croyant que c’est de la graisse, ils en font des tartines ; puis voyant des bouteilles de vinaigre d’Orléans, ils font passer les tartines en buvant ce liquide « à la régalade ».