septembre 1915


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Dimanche 5 septembre 1915

 

Visite à . Les permissionnaires. Germain, nerveux, surexcité. L., lymphatique, déprimé. Leur étrange regard. Propos exaltés ( ; prêtres, officiers frappés par des balles françaises) ; l’intelligente ardeur des chevaux ; les noisettes de la tranchée ; le sanglier poursuivi. Le soir, au souper, le gendarme, homme calme, sérieux ; ses récits ; le blessé pendu. Confidences navrantes des femmes.

 

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 1417.

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 1417.

Objat

Commune corrézienne située à une vingtaine de kilomètres au nord de Brive. Avant la Grande Guerre, elle était considérée comme la « capitale des petits pois ».

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2015.

Embusqué

Militaire affecté, par faveur, à un poste éloigné de tout danger.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.


Mardi 7 septembre 1915

 

Anniversaire de la bataille de la Marne.

 La bataille de la Marne

Collecte 14-18. Carte postale, fonds Lagarde 24NUM.

Collecte 14-18. Carte postale, fonds Lagarde 24NUM.

 

Collecte 14-18. Carte postale, fonds Lagarde 24NUM.

Collecte 14-18. Carte postale, fonds Lagarde 24NUM.

 


Mercredi 8 septembre 1915

 

Rappel des fêtes de Saint-Rémy en l’honneur de .

Un Mistral et trois Roumanille arrêtés avec Blain et cinq autres provençaux pour commerce frauduleux avec les Boches ! Blain, qui a six enfants, voulait les doter richement. Bon père de famille ! Quelle dot d’infâmie, tu leur as amassée ! Celui qui les a tous perdus, c’est un Méphisto du pays de Goethe, un Allemand se disant Alsacien, associé de Blain. Je ne pardonne pas à ces imbéciles qui par amour du  ont traîné dans la boue, ont terni des noms illustres, des noms chéris, nimbés de pures clartés. Lorsqu’on hérite d’un nom pareil, on est porte-drapeau. Je suis réduite par ces misérables à me féliciter que  soit mort… On gagne toujours à mourir.

 

Mireille (poème épique)

De Mirèio, poème épique en langue d’oc provençale de Frédéric Mistral (1859). En 1863, Charles Gounod en fait un opéra. En 1913, Saint-Rémy-de-Provence organise les fêtes du cinquantenaire de « Mireille » en l’honneur de Gounod.

Lucre

Profit, argent, considéré en lui-même et recherché avec avidité.

Frédéric Mistral (1830-1914)

Écrivain et lexicographe français de langue d’oc, Mistral est notamment membre fondateur du Félibrige et a reçu le prix Nobel de littérature en 1904. Il est décédé le 25 mars 1914 à Maillane (Bouches-du-Rhône).


Dimanche 12 septembre 1915

 

Lettre de . La voie ferrée démolie par des bombes. Les Lorraines du voisinage prennent des habits d’homme, de vieilles armes et vont réparer la ligne. L’une d’elle, gavroche, met un képi.

 

Pompey

Commune française, située dans le département de Meurthe-et-Moselle, en région Lorraine.


Dimanche 19 septembre 1915

Joseph Nouailhac propose d’adopter trois prisonniers indigents ou orphelins. Cela me rend toute joyeuse et je vais chercher dans les «  » où j’ai des correspondants, les déshérités à pourvoir…

Le Limousin Jules Chautalard, qui entraîna maintes fois sa compagnie à l’assaut et donna un rare exemple d’énergie en rejoignant, aveuglé par une bombe, les lignes françaises à 5 km, et son camarade Fel, autre poilu à trois poils et invalide, se voient attribuer la croix de guerre avec palme. Ils sont les premiersdécorés au 126; et le colonel leur écrit qu’il voudrait bien attacher lui-même les décorations sur leur poitrine. Or, ils n’ont pas de permis et, de Paris à Brive, le voyage coûte 50 F. Mais quoi ! quand on a fait 5 km au front sans y voir, on ne s’arrête pas aux bagatelles de la poste. Le permis ? on s’en passe. Les deux héros n’ont qu’un équipement militaire complet ; chacun en prend la moitié et Chautalard, qui a cédé son képi à Fel, se coiffe d’un vieux couvre-chef de pompier.  mobilisés ne sont pas mieux équipés ; les deux soldats passent donc sans payer comme à la poste les lettres marquées du signe SM.
En cette tenue, ils arrivent triomphalement à la caserne Brune ; ils sont décorés, félicités, embrassés avec émotion par le colonel, applaudis par la foule, voient défiler respectueusement les troupes devant eux puis, munis cette fois du permis, ils repartent, disant aux amis, aux parents qui leur reprochent le silence qu’ils avaient gardé sur leurs exploits : « C’était pas la peine de parler de si peu de chose ! »

 

 

La Croix de la Corrèze, 5 septembre 1915. Archives municipales de Brive, 8 S 1036.

La Croix de la Corrèze, 5 septembre 1915.
Archives municipales de Brive, 8 S 1036.

***

La croix de guerre

 

Collecte 14-18. Photographies des médailles, fonds 65num_ad19.

Collecte 14-18. Photographies des médailles, fonds 65num_ad19.

« Villeneuve Pierre a fait toute la campagne 1914-1918 ». Au-dessus de chaque date se trouve une médaille : médaille militaire à gauche et croix de guerre à droite ; et au milieu son portrait.

Gefangenenlager

Terme allemand signifiant camp de prisonnier.

Force

Beaucoup de.


Mardi 21 septembre 1915

 

Ce qui me rendrait décidément républicaine, c’est que tous les souverains à peu près sont des métèques ou tout au moins des métis et qu’ils sont quasiment tous infectés de virus boche…
J’en demande humblement pardon au noble roi  que je vénère comme un saint Louis ; et même au généreux tsar . Ceux-là, il est vrai, ont perdu par une terrible saignée le sang allemand qu’il[s] pouvai[en]t avoir… mais je ne puis m’empêcher de souhaiter ardemment que les peuples soient à jamais débarrassés de leurs effroyables parasites, de toute la sinistre clique Hohenzollern, Habsbourg, Saxe, Cobourg qui font de la terre un enfer, de la vie un cauchemar, et de leurs sujets des suppôts de Satan, des victimes odieuses.

« Mon Dieu, aidez-nous à mériter la victoire. » C’est en ces termes que je prie.

 

Albert Ier (1875-1934)

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 769.

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 769.

Albert Ier, roi des Belges, est monté sur le trône le 23 décembre 1909. Lorsque les troupes allemandes envahissent son pays, État neutre, le 4 août 1914, il résiste à l’occupation, ce qui lui vaudra le surnom de « roi-chevalier ».

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2015.

Nicolas II (1868-1918)

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 771.

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 771.

Nicolas II est le dernier tsar de Russie.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.

Mercredi 22 septembre 1915

Je sais qu’un grand coup se prépare, une dramatique partie où la fortune de la France encore une fois, va se jouer. Attente fiévreuse. Je lui fais ainsi ma requête : « Mon Dieu, aidez-nous à mériter la victoire. »

 

 


Jeudi 23 septembre 1915

 

Avant 70, la coiffure alsacienne légère, enlevée, avait la grâce ailée d’un grand papillon. Après 44 ans de domination allemande, le nœud coquet et palpitant a voulu prendre des proportions kolossales ; il s’est germanisé et tombe lourd et caricatural jusqu’aux épaules comme des oreilles de basset. Il est vrai, m’assure-t-on, que seules les servantes de brasserie le portent encore ; beaucoup sans doute sont des immigrées, non de vraies compatriotes de sainte Odile. O filles d’Alsace, vous n’avez donc pas compris que rester fidèle à votre ravissant costume, c’était rester fidèle à l’Alsace, et à la France ?

 La coiffure alsacienne

26 juillet 1916 – Photographie d’un groupe composé essentiellement de jeunes filles en costume traditionnel alsacien. Préparatif du 14 juillet 1916 en Alsace. Collecte 14-18. Carte postale, fonds Ladeuil Jean-Louis 23NUM.

26 juillet 1916 – Photographie d’un groupe composé essentiellement de jeunes filles en costume traditionnel alsacien. Préparatif du 14 juillet 1916 en Alsace.
Collecte 14-18. Carte postale, fonds Ladeuil Jean-Louis 23NUM.

 

Collecte 14-18. Carte postale, fonds Ladeuil Jean-Louis 23NUM.

Collecte 14-18. Carte postale, fonds Ladeuil Jean-Louis 23NUM.

 


Vendredi 24 septembre 1915

 

Il a tout pour attirer la sympathie, le jeune capitaine blessé et convalescent : une belle prestance, une jolie figure relevée d’un[e] moustache martiale, 25 ans seulement et la croix de la Légion d’honneur. Comme cela fait bien, cette croix d’émail blanc sur cet habit bleu horizon ! C’est vraiment comme une étoile au ciel ; et le ruban rouge qui l’attache, achève de reconstituer le drapeau sur cette poitrine à coup sûr noble et vaillante… Je m’avançais vers le fringant capitaine que je connais un peu pour le féliciter quand je l’entendis dire à son interlocuteur : « Ne vous mettez donc pas le doigt dans l’œil, ce n’est pas nous qui aurons les Boches, c’est eux qui nous auront. » Je m’arrête, estimant qu’un officier français, eut-il cette conviction, ne devrait pas l’exprimer. Je vois alors le capitaine rejoindre une des plus infâmes prostituées de la ville qu’il prend familièrement par la taille à la vue de vingt personnes. Le sort de sa patrie ne l’inquiète guère… Vous ne la méritez pas, capitaine, cette croix qu’on vous a donnée puisque vous la profanez et vous me forcez à vous mépriser, vous, légionnaire.

 


Lundi 27 septembre 1915

 

Madame B., ma voisine de palier, m’appelle. « Mademoiselle Marguerite, il y a un excellent communiqué ce soir : avance en Artois, en Champagne, 12 000 prisonniers, 25 canons capturés. » C’est l’offensive – attendue depuis six mois –, c’est l’ouverture de la suprême lutte ; elle s’annonce bien.

 


Mardi 28 septembre 1915

Soir de victoire.
Quatre kilomètres d’avance, la 1re, la 2e ligne ennemie prises, 25 000 prisonniers et 121 canons. L’élan des nôtres est admirable. Celui des Anglais, que je n’estimais pas assez, me surprend agréablement et je profère tout haut quand j’ai lu le communiqué un « Très bien, les Anglais ! » qui trouve des échos dans la foule massée devant la mairie. D’ailleurs, nous sommes devenus si sérieux, si prudents, que notre joie reste silencieuse, comprimée. Ce qui déborde, c’est une gratitude infinie pour nos braves ; avides de détails, nous sommes anxieux du lendemain et nous redoutons d’apprendre peut-être les noms des morts glorieux. Les jeunes ne peuvent contenir tout à fait leur satisfaction. Trois adolescents passent successivement en sifflant : « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine ».

 

 


Mercredi 29 septembre 1915

 

Hélas ! des blessés, des blessés, encore des blessés ! Les hôpitaux sont pleins ; le collège, la caserne vont redevenir hôpitaux. On croise sans cesse des autos où gisent des soldats portant des pansements de toutes sortes. L’un d’eux, un compatriote aux bras et aux jambes emmaillotés, soulève sa tête et les yeux brillants crie : « Ai beleu perdut lous hatz mais las chambas, [ieras ?] sui counteu ! »
Les obus lacrymogènes, dernière invention des Teutons, ont fait beaucoup d’aveugles.
On chuchote en ville que tel et tel ont disparu, sont morts. La joie du succès est tout endeuillée. Je crains aussi que nous n’ayons remporté qu’une victoire stérile.

 Les hôpitaux

Collecte 14-18. Photographie, fonds 49NUM.

Collecte 14-18. Photographie, fonds 49NUM.

 

Collecte 14-18. Photographie, fonds 49NUM.

Collecte 14-18. Photographie, fonds 49NUM.

 


Jeudi 30 septembre 1915

 

18 heures.
Paul A. se présente inopinément.
« J’arrive de la Champagne et je viens vous demander à souper.
– Très bien ; mais vous plaisantez, vous venez du camp de La Nouaille !
– Mais, non, de Berry-au-Bac. J’y ai mené un renfort de 120 hommes. Je vous ai écrit deux fois en cours de route.
– Je n’ai rien reçu ; les correspondances du front ne circulent pas en ce moment. »
On soupe on cause. « Ils vont à la bataille comme à une fête… », dit le sergent qui ajoute : « J’aurais bien voulu rester davantage là-bas. » Décidément, l’air du « front » est réconfortant.

 Berry-au-Bac

Collecte 14-18. Plaque de verre, fonds Missonnier Marie-France 20NUM.

Collecte 14-18. Plaque de verre, fonds Missonnier Marie-France 20NUM.