Dimanche 1er août 1915

Les pièces d’or confiées par l’ouvrière et la petite bonne.

 

 


Lundi 2 août 1915

 

Anniversaire de la guerre, Turenne, [illisible] gasconnades. La maison. La guerre de [illisible]. Dupras sœurs. La neige et les Sénégalais.

 


Mardi 3 août 1915

 

Les permissionnaires : celui qui ne veut pas coucher dans un lit parce qu’il est pouilleux (il vient de la Champagne « pouilleuse »).
Le gaspillage au front. Rareté de l’état-major. Ses visites toujours connues d’avance.

Insuffisance des .
Ils dorment et jouent.

Visite de Laurent.
Chez le coiffeur où il attend son tour, deux poilus éméchés, trompés par son air juvénile, son visage imberbe, apostrophent rudement le jeune homme :
« C’est pas trop tôt, espèce d’, que tu ailles nous remplacer au front !
– Moi ? Mais j’en viens.
– Allons donc, espèce de bleu, tu ne nous feras pas croire celle-là.
– Et j’y suis peut-être resté plus longtemps que vous. J’ai fait Dixmude, Ypres, la Lorraine, l’Argonne.
– Oh là là ! quoi encore ?
– Voulez-vous voir les cicatrices de mes deux blessures ? Être traité d’embusqué, après un an passé au front ! C’est raide ! »

Maison de Champagne, tranchée des Noyers

Collecte 14-18. Plaques de verre, fonds Dalmas Françoise 19NUM.

Collecte 14-18. Plaques de verre, fonds Dalmas Françoise 19NUM.

Territoriale

Fraction de l’armée composée d’hommes âgés de 34 à 49 ans. Plus assez jeunes pour intégrer un régiment de première ligne ou de réserve, les « territoriaux » sont affectés dans des régiments spécifiques et en principe chargés de travaux à l’arrière. Ils étaient surnommés les « pépères ».

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.

Embusqué

Militaire affecté, par faveur, à un poste éloigné de tout danger.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.


Mercredi 4 août 1915

 

Les gaspillages : 50 000 F par jour à Tulle.

 


Jeudi 5 août 1915

 

La folle : elle a perdu sont mari et court çà et là les cheveux épars, une ombrelle et un paquet à la main ; elle entre chez un coiffeur et en ressort brusquement rouge enfiévrée ; elle court au hasard en riant.

 


Samedi 7 août 1915

 

Oh , Varsovie, Varsovie.
Après le , le Boche te violente. Quelle torture pour toi, pour ceux qui t’aiment ! Une partie de l’angoisse qui m’oppressait en août 1914, m’a étreinte de nouveau ces jours-ci, devant l’invasion de la Pologne et le grand péril des Russes ; mais un éclair de foi m’a montré aussitôt la victoire de la Marne et la légende de

Le cauchemar.
Des voisines endeuillées elles-mêmes échangent d’un air consterné des lamentations : « Pauvre Louis ! pauvre mère ! » C’est un beau et bon gars du quartier qui vient d’être enseveli vivant, en Argonne, par l’explosion d’une mine. Trois survivent sur cinquante dans cette tranchée ; la mère n’avait pas la tête très solide ; sa raison peut sombrer…
Je veux fuir cette atmosphère funèbre et je vais avec ma chère Alice conduire aux  le petit René qui, dans la gentillesse de ses 14 mois, chasse les noires pensées. Le mignon tend les bras à tous les militaires qu’il appelle « papa » et envoie des baisers à toutes les statues de saints ; c’est sa façon de prier.
Mais nous nous asseyons sur un petit mur près d’une dame à l’air triste et bon. L’étrangère s’intéresse au bébé, puis nous conte qu’elle est de Pont-à-Mousson ; que sa demeure a reçu douze obus ; et nous revoilà dans les horreurs de la guerre que nous voulions fuir…

 

Bataille de Varsovie

La bataille de Varsovie se déroule du 17 août au 14 septembre 1915. Opposant les troupes russes à celles du Reich allemand, elle se solde par la défaite puis la retraite des premières.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2015.

Cosaque

Soldats appartenant à des régiments spéciaux de la cavalerie russe, les cosaques descendent de réfugiés d’Asie centrale qui ont peuplé les steppes du sud de la Russie et de l’Ukraine.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2015.

Saint Stanislas

Patron de la Pologne, Stanislas était évêque de Cracovie au XIe siècle. Assassiné en 1079 alors qu’il célébrait une messe, son corps aurait été démembré par écartèlement et, selon la légende, se serait ensuite miraculeusement reconstitué.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2015.

Grottes de Saint-Antoine

Lieu de pèlerinage à la sortie sud de Brive. En 1226, le futur saint Antoine de Padoue, né à Lisbonne, se retire durant quelque temps dans ces grottes naturelles avant de reprendre sa prédication itinérante jusqu’en Italie.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2015.


Lundi 9 août 1915

 

Pas un souffle sur terre, pas un astre au ciel ; tout est sombre et pesant ; en songeant à , à la Pologne, « terre classique du malheur », j’éprouve une douleur si poignante que Chopin me paraît en exprimer, seulement, le souvenir apaisé.
En bas devant la porte, les autres habitants de la maison bavardent et rient, y compris mon propriétaire, fils de Polonais. Cela me semble étrangement discordant…
Certains nocturnes gémissent à mon oreille sous ce ciel étouffant sans clartés ; pourtant, ce n’est pas la Marche funèbre que j’entendrai en songent à toi Pologne : je crois à la résurrection des peuples, à la tienne surtout, peuple Christ !

 

Bataille de Varsovie

La bataille de Varsovie se déroule du 17 août au 14 septembre 1915. Opposant les troupes russes à celles du Reich allemand, elle se solde par la défaite puis la retraite des premières.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2015.


Jeudi 19 août 1915

 

La semence empoisonnée, abondamment jetée par les corrupteurs boches, a germé dans les terres incultes… ou dans celles qu’une culture anti-française a préparées…
Hier, je montrais des photos de villes en ruines, Reims, Soissons, Senlis, à ma femme de ménage qu’excuse sa crasse ignorance mais qui commence à me paraître vraiment « sale bête ».
« Les Français en font autant m’a-t-elle affirmé péremptoirement.
– Pour en faire autant, ils ne sont pas en Allemagne. »
Ce matin, dans une explosion de haine, je ne sais même plus à propos de quoi, elle a déclaré :
« Si j’étais aviateur, je jetterais des bombes sur tous les châteaux, je les détruirais tous.
– Vous trouvez que les Allemands n’en détruisent pas assez ?
– Tous ces richards envoient les pauvres se faire tuer, et eux, ils restent bien tranquilles.
– On tue plus de pauvres que de riches parce qu’il y en a davantage… « Ia mais de fermies que de picatals » (Il y a plus de fourmis que de piverts). Mais cherchez autour de vous. À Puymaret, les deux gendres ne sont-ils pas morts ? N’y a-t-il pas deux petits orphelins ? À Cosnac, ne voyez-vous pas la tombe fraîchement fermée du soldat , petit-fils de la marquise ? À Neuvic, on pleure [le] vicomte Jean d’Ussel. M. René Bousques et M. , ces deux derniers morts, victimes d’un dévouement héroïque. Au Saillant, un de Lasteyrie. À Castel Novel, les châtelains servent le pays par la plume et par l’épée. Chez les de Lamaze, il manque deux fils, le troisième est au feu (les de Lamaze, leurs deux fils et leurs trois neveux). À la Grande Borie, les deux fils sont à la guerre, le plus jeune s’est engagé à 17 ans. Celui de Mlle Bouvier, prisonnier. Chez M. Thiroux du Plessis, n’y a-t-il pas deux jeunes veuves ?
– Oh, ça ne prouve pas qu’ils se soient battus ! Le fils Delmond n’était pas au front et il a été tué par une bombe.
– Ah ! qu’on se fasse tuer ? Mais vous savez bien que le gendre de M. Miquel a perdu sa santé dans les tranchées, que celui de Mme Bordier y est en ce moment.
– C’est qu’ils n’ont pas pu arriver à s’embusquer…
– Ce sont deux bons chrétiens et les bons chrétiens sont de bons soldats. Je ne vous croyais pas si méchante. La famille Bordier vous a constamment fait du bien, le gendre est un brave et bon soldat, et vous osez parler ainsi !
Ce sont les riches qui payent pour qu’on fasse la guerre et qu’on tue les pauvres…
– Mais, espèce de tourte, qui est-ce qui perd le plus à la guerre ? Ceux qui n’ont rien ou ceux qui ont quelque chose ? Si les Boches étaient ici, qui prendraient-ils en otage ? Vous, moi ou le banquier Roque ? Qui verrait piller ses coffres, sa vaisselle, ses meubles ? Les richards.
– Oh ! après ça, ils seraient encore plus riches que moi.
– Ce n’est pas la question. Ont-ils intérêt à faire faire la guerre ?
– … Le maire de Dampniat a dit qu’il était content qu’on la fasse, que ça irait mieux après. Et le député Lachaud a dit qu’il fallait du sang.
– Halte là ! Vous ne comprenez pas ce qu’on dit devant vous et vous vous croyez trahis. Les Allemands nous insultaient, nous menaçaient tout le temps, nous demandaient tous temps de leur céder quelque chose de plus. Il fallait se battre ou tout leur donner et devenir leurs domestiques. Et tout ce que vous dites-là, ce sont eux, pauvre femme, qui vous le font dire, ils envoient de fausses lettres d’amis, ils font courir de faux bruits et vous répétez tout ça.
– Oh ! nous savons bien que  et  se sont entendus et qu’ils s’arrêteront quand ils auront juste le compte d’hommes qu’ils veulent garder… »
Cette fois ma colère tombe et je pouffe de rire à l’idée d’une telle entente ! Puis je m’afflige un peu de l’inanité de mes efforts : les illettrés ne croient que ceux qui les trompent. L’éducation du peuple est à peine ébauchée.

Mots de Viviani.
Virus, microbes.

Le portrait de la reine. Le caporal, le lieutenant, le capitaine et le colonel se le disputent. Le caporal, obstiné comme le soldat de Soissons, refuse l’image à ses chefs.

La  fait soutenir le colosse par une frêle créature.
Je fournis au prisonnier Albert H. le vivre et le vêtement.

Après tout, le droit chemin est toujours le plus court, même pour aller au ciel…

 

Carte-photo. Collection Cédric Foussard.

Carte-photo. Collection Cédric Foussard.

 

Reims

 

Collecte 14-18. Plaque de verre de Reims, fonds Françoise Dalmas 19NUM.

Collecte 14-18. Plaque de verre de Reims, fonds Françoise Dalmas 19NUM.

 

Soissons

 

Collecte 14-18. Carte postale, fonds Lagarde 24NUM.

Collecte 14-18. Carte postale, fonds Lagarde 24NUM.

Aymeric de Chalup (1894-1915)

Fils de Marie-Louise Angèle de Cosnac et Marie Antoine Robert Chalup.

Louis Lagane (1882-1915)

La Croix de la Corrèze, 15 août 1915. Archives municipales de Brive, 8 S 1033.

La Croix de la Corrèze, 15 août 1915.
Archives municipales de Brive, 8 S 1033.

Raymond Poincaré (1860-1934)

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 1939.

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 1939.

Né à Bar-le-Duc (Meuse), Poincaré est le président de la République française durant la Première Guerre mondiale. Il est l’artisan de l’Union sacrée, expression invitant les Français à faire taire leur rancœur et à s’unir.

En savoir plus

Guillaume II de Hohenzollern (1859-1941)

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 841.

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 841.

Né à Berlin, Guillaume II est le dernier empereur (Kaiser) allemand et le dernier roi de Prusse.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.

Providence

Le terme désigne Dieu « en tant qu’ordonnateur de toutes choses ».

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.


Mardi 24 août 1915

 

Je souffre, donc je suis ; je suis, donc je souffre. La souffrance est la condition de la vie, comme de la survie.

Soirée merveilleuse de calme sur la terre, de pureté au ciel ; pas un souffle, pas un mouvement dans la nature. Au couchant, on dirait que le soleil s’est dissout dans l’air, changé en vapeur d’or ; une nuit tiède et sans murmures succède une nuit si claire que les ombres se découpent à l’emporte-pièce sur le sol ; la lune épanouie porte le reflet de ce beau jour dans sa lumière plus dorée.
Sous ce ciel, sur cette terre, dans ce calme divin, des hommes de toutes races, par millions, se massacrent.
La terre est un temple que l’homme souille et profane.

N’y aurait-il plus aux États-Unis qu’un seul homme, Théodore Roosevelt ?