Lundi 1er mai 1916

 

Dame d’âge mûr en cerisier : courte robe vert clair garnie tout du long d’une double rangée de bouquets de cerises ; bas vert d’eau, chapeau en feuillage et fleurs de cerisier ; gros pieds chaussés de jaune. Une femme qui se promène ainsi en temps de guerre mériterait d’être déshabillée et saucée dans un abreuvoir par les .

 

Regrattière

Celle qui fait le commerce de regrat, des denrées de seconde main.


Jeudi 11 mai 1916

 

Mort du vieux père Crémoux. Le bon vieux expire en appelant son petit-fils soldat : « Jean ! Jean !… Victoire… paix. » Et pour le vieillard, c’est bien alors la grande, la seule véritable paix.

 


Lundi 15 mai 1916

L’Allemagne : vampire de l’Europe, vampire de l’humanité. Ne vit que du sang des autres peuples. Mal pourvues les boucheries du Deutschland ? Allons donc ! Les Deutschs n’ont-ils pas monté la plus Kolossale entreprise de boucherie qu’on ait vue ? Qu’on livre à la consommation le bétail boche abattu seulement devant Verdun – 250 000 têtes – et la charcuterie ne manquera pas à Berlin.
 vieux Saturne qui dévore ses enfants.

Au parc.
Douceur et beauté du printemps retrouvées.
Sur les bancs, dans les sentiers, des mamans, des bonnes, des enfants, des permissionnaires, des convalescents. Sous les marronniers et les acacias en fleurs, de très jeunes recrues s’exercent à la baïonnette. Laveuses de l’autre coté du canal. L’une d’elles, enhardie par la barrière infranchissable de l’eau, provoque par son rire et ses propos deux Sénégalais qui lui jettent des fleurs emportées aussitôt par le courant ; un brave noir, qui commence à se tenir à bicyclette, parcourt les allées avec l’impétuosité d’un ouragan tropical, semant l’effroi parmi les nurses. J’ai installé ma mère sur un banc, sous un acacia qui verse la fraîcheur de son ombre et l’odeur des grappes blanches qui frangent ses rameaux : « Que cela sent bon, que c’est joli ! » J’ai fait tout haut cette réflexion. Deux poilus convalescents, couchés dans le gazon, m’ont entendue. Ils se lèvent. L’un deux courbe l’échine, l’autre se hisse sur ses épaules, coupe une branche fleurie et me l’offre…
Hélas ! tout dans cette douceur, cette grâce idyllique rappelle plus fortement la guerre au lieu de la faire oublier… Les cannes, les béquilles des soldats, la tache blanche des pansements sur leurs uniformes déteints disent : on s’est mitraillé, on s’entretue ; les éclairs des baïonnettes au soleil printanier, les brefs commandements : « En garde ! En avant ! » coupant le gazouillis des oiseaux répètent : « On s’éventre, on s’éventrera ! Ces convalescents rentreront dans la fournaise, ces soldats imberbes iront et bien peu reviendront ! »
Toute fleur, toute brise, toute jouissance a un[e] arrière-saveur de sang et de cendres…

 

 

Guillaume II de Hohenzollern (1859-1941)

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 841.

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 841.

Né à Berlin, Guillaume II est le dernier empereur (Kaiser) allemand et le dernier roi de Prusse.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.


Samedi 20 mai 1916

 

Grève des brossières – disputes – bataille. Arrestations.

 


Lundi 22 mai 1916

 

Émeute entre le …e et les civils. Une première dispute dans un mauvais lieu amène une rixe où un soldat est très malmené ; les autres soldats veulent le venger et comme on les a armés de baïonnettes en leur disant [de] rechercher leurs adversaires civils et de se défendre, ils pourchassent les jeunes gens qui ne sont pas très bien mis jusque dans les maisons et les cafés où l’on se défend à coup de bouteilles et qui sont mis à sac ; la police arrête enfin quelques perturbateurs mais la foule assiège le commissariat et le maire doit y aller d’une harang[u]e ; je ne puis décidément plus rentrer chez moi sans me trouver prise dans une bagarre ! Il me semble pourtant qu’il y a mieux à faire qu’à se battre entre soi.

Réflexion d’un soldat du Nord sur les « Marseillans ». Jugement de ceux du Midi sur les gens du Nord.
Injustice de telles accusations. Le 17e corps à la bataille de la Marne.