Samedi 9 août 1919
Demain, réception officielle de nos régiments. Une fièvre s’est emparée de la population ordinairement peu démonstrative ; je ne la reconnais plus. Un peu de vanité s’en mêlant, c’est à qui pavoisera le mieux. Toutes les femmes confectionnent des fleurs, des cocardes, tressent des guirlandes groupées devant les [ ?] que les adolescents suspendent d’une fenêtre à l’autre. Les plus tristes, les plus noirs recoins ont une parure de fête. Notre grand balcon est [illisible] rampes de roses et nœuds Louis XV en ruban de papier [surmontés ?] de drapeaux comme la chapelle des Invalides, les rues sont [illisible]. Sur des banderoles blanches, des inscriptions s’ingénient à crier « merci », « victoire », à rappeler le nom des combats fameux auxquels nos régiments ont participé. Des portiques de feuillages et d’armes ouvrent les voies triomphales. Sous ces voûtes, les enfants enthousiasmés rêvant qu’ils sont les héros du jour défilent en cortège, tambours battants, drapeaux déployés. La petite bande de mon quartier, garçons et filles, conduite par Cécel, dit Phoscao, arbore un étendard symbolique fabriqué par une sœur aînée et qui réunit ceux de tous les alliés. Écorchant des lambeaux de Marseillaise et de Madelon, la petite troupe passe et repasse au pas de charge sous les berceaux fleuris grisée de ses exploits et de sa gloire imaginaires ! Les poilus qui circulent, amusés et flattés de ces apprêts, camouflent comme toujours leurs sentiments de gouaillerie.