Dimanche 17 novembre 1918

Après les hymnes guerrier[s], l’hymne religieuse de la victoire, le Te Deum. La joie particulière que nous cause la nomination d’un apôtre à la tête de notre paroisse se confond avec la félicité née de la délivrance et de la paix. Les fidèles débordent de l’église ; sous les porches, le chœur est plein d’hommes, de notabilités ; notre nouveau curé n’a qu’à laisser jaillir les sentiments de son âme chaleureuse pour être à la hauteur des circonstances. Avec son ardente effusion contraste le grave et régulier. Te Deum chanté par des voix mâles. L’orgue enfle sa voix, les voûtes du XIIe siècle frémissent ; aux lourds piliers, les faisceaux de

drapeaux comme animés d’un souffle mystérieux se mettent soudain à flotter… « Te martyrum canditatus laudat exercitus, Patrem immensae maiestatis… » Nous pleurons. Nous avons tant souffert ! nous ne pouvons plus nous réjouir sans pleurer, comme nos pauvres prisonniers affamés ne peuvent plus prendre un vin généreux sans éprouver une douleur « Salvum fac populum tuum, Domine, et benedic hereditati tuae »