Vendredi 15 décembre 1916

 

Un tour au marché.
Malgré la guerre, les denrées ne manquent pas ; en ce moment, dindes, oies grasses, volailles de toutes sortes, foies truffés, s’offrent à pleines corbeilles aux gourmands ; mais à des prix de famine. Une oie se paye de 70 à 100 F, autant qu’un porc naguère ; un porc de 400 à 500 F, autant qu’un bœuf ; par contre, les truffes ne valent que 2,50 F la livre. À la foule bigarrée des acheteuses, où l’accent flamand et lorrain se mêle à l’accent local, s’ajoutent des poilus casqués et crottés, des nègres, des Annamites au comique baragouin ; des réfugiés ont créé des petits commerces ambulants : un brave petit vieux ardennais fait des affaires avec des tartes aux pommes et parle avec importance de ses « clients ». Je loue sa pâtisserie ardennaise et son cœur d’exilé en est tout remué. « Ah ! Madame ! si c’était des pommes de chez nous ! »

Le charbon coûte 9 F le quintal ordinaire au lieu de 2 F.

Pour flamber un porc, l’essence manque et aussi la paille.