Vendredi 24 septembre 1915

 

Il a tout pour attirer la sympathie, le jeune capitaine blessé et convalescent : une belle prestance, une jolie figure relevée d’un[e] moustache martiale, 25 ans seulement et la croix de la Légion d’honneur. Comme cela fait bien, cette croix d’émail blanc sur cet habit bleu horizon ! C’est vraiment comme une étoile au ciel ; et le ruban rouge qui l’attache, achève de reconstituer le drapeau sur cette poitrine à coup sûr noble et vaillante… Je m’avançais vers le fringant capitaine que je connais un peu pour le féliciter quand je l’entendis dire à son interlocuteur : « Ne vous mettez donc pas le doigt dans l’œil, ce n’est pas nous qui aurons les Boches, c’est eux qui nous auront. » Je m’arrête, estimant qu’un officier français, eut-il cette conviction, ne devrait pas l’exprimer. Je vois alors le capitaine rejoindre une des plus infâmes prostituées de la ville qu’il prend familièrement par la taille à la vue de vingt personnes. Le sort de sa patrie ne l’inquiète guère… Vous ne la méritez pas, capitaine, cette croix qu’on vous a donnée puisque vous la profanez et vous me forcez à vous mépriser, vous, légionnaire.