Vendredi 11 septembre 1914

Arrivée de 250 blessés qui défilent dans l’avenue de la gare de 2 heures et demi à 7 heures. D’abord ce sont des Français puis des Allemands. Les nôtres, je voudrais leur faire un peu de bien à tous, leur témoigner à tous ma reconnaissance, mon affection. Les autres, qui offrent un aspect pitoyable, je leur accorderais les soins indispensables, mais je voudrais qu’ils fussent cinq cents mille…

Couleur des vêtements, des teints.

Des brancardiers, des ouvriers de bonne volonté, descendent du train avec précaution chaque blessé posé sur un brancard dans un hamac. Les infirmières les pansent, leur font prendre du thé ou du bouillon chaud ; puis on met la civière sur un (sic) auto qui les emporte d’autant plus lentement qu’ils sont plus grièvement atteints. Les nôtres, frappés le plus souvent aux membres, s’efforcent de se tenir droits et montrent parfois des trophées : sabres, casques allemands ; de volontaires arabes dont le vêtement blanc est tout maculé de sang et de boue gisent résignés et fiers ; les Allemands viennent ensuite blessés à la poitrine presque tous tête nue, pieds nus ; ils restent généralement inertes sur leur brancard… Un infirmier se tient auprès d’eux et impose silence à la foule qui fait entendre des murmures hostiles ; quelques-uns s’attachent au cou de ce protecteur qu’ils viennent de trouver. L’un d’eux soulève un peu sa tête blonde et crie à la foule surprise : « Vive la France ! » Est-ce un Alsacien ? Un autre, un Deutsch farouche, nous injurie ; mais que portent avec d’infinies précautions quatre infirmiers sur ce drap tendu ? C’est un homme tronc, ses pantalons et les manches de sa veste sont liés comme des sacs. Ce tronc cesse de gémir pour dire : « Conservez-moi les yeux pour que je puisse voir les miens ! »
Un autre malheureux se tient debout mais porte au lieu d’yeux dans ses orbites des entonnoirs de toile et de gaze !

La nuit vient et le triste défilé continue ; à 8 heures, un autre train arrivera ; on évacue les victimes de la grande bataille qui se livre et les blessés des hôpitaux de Paris…
Oh ! si du côté belge et français la guerre m’apparait héroïque, sublime, qu’elle me semble du côté de l’agresseur criminelle et folle !

À la séance du 15 juillet 1870, des parlementaires qui se nommaient , Jules Favre, Emmanuel Arago, Jules Simon, Horace de Choiseul, Gambetta, protestèrent contre la déclaration de guerre à la Prusse : « Que faites-vous, où allez-vous ? » répétaient-ils. Le député Girault s’écria : « Nous serions les premiers à nous lever pour une guerre nationale défendant la patrie ; mais nous ne voulons pas nous lever pour une guerre dynastique et agressive. » Qu’il ne se soit trouvé au Reichstag le 1er août ( ?) 1914 aucun opposant à la guerre dynastique et agressive, qu’aucune objection n’ait été élevée, ce sera un opprobre ineffaçable pour l’Allemagne de ce temps.

Il faut panser des plaies que les blessés eux-mêmes n’osent pas regarder. Le pus jaillit parfois dans nos propres yeux.

Dormir, profondément, longtemps, ne plus entendre, ne plus penser, ne plus voir, ne plus savoir…

On avait demandé 300 lits pour les blessés ; il en est arrivé 2 000 ; la caserne en est pleine mais ils manquent de tout. Mourront-ils faute de soins ? Mobilisation spontanée de toutes les femmes qui n’ont pas besoin de travailler. Il faut tout apporter : récipients, fourneaux, linges, remèdes, remplacer le médecin. « Plus rien pour les pansements » m’annoncent Marguerite et Marthe Mallet. Si, mes robes de bal… Linons et gazes stérilisés et découpés vont panser des blessures. Excellente fin de mondaines devenues infirmières.
Dans une pièce brûlante sous les combles, découverte de blessés oubliés là depuis 24 heures !

Hôpitaux « militaires »

Carte postale. Collection Mme Lagarde.

Carte postale. Collection Mme Lagarde.

Dès le début de la guerre, les nombreux blessés sont évacués à l’arrière. Les structures hospitalières deviennent rapidement insuffisantes. D’où la nécessité de créer des hôpitaux temporaires, appelés complémentaires ou encore auxiliaires.
À Brive, l’hôpital du collège Cabanis – le lycée d’Arsonval d’aujourd’hui – est l’hôpital complémentaire n° 41 ; il a pris en charge plus de 15 000 blessés entre janvier 1915 et septembre 1917. L’Institution Jeanne-d’Arc et l’actuel musée Labenche font partie des autres locaux transformés en établissements de soins.
On estime à 9 300 le nombre d’hôpitaux « militaires » en service en France durant le conflit. Celui-ci fera près de 4 millions blessés.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.

Adolphe Thiers (1797-1877)

Né à Marseille, Thiers est chef du pouvoir exécutif en 1871 et, à ce titre, réprime durement l’insurrection de la Commune de Paris. Quelques mois plus tard, il devient président de la République (1871-1873).

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.