Mardi 2 février 1915

500 soldats de tout âge, équipés pour le départ, défilent d’un pas résolu, la physionomie sereine, allègre. Ce sont des volontaires ; avec 5 ou 600 autres volontaires tullistes, ils forment une brigade volante qui se portera sur les points à renforcer. Le public trouve leur dévouement si naturel qu’il ne les acclame même pas ; mais quelle admiration, quelle reconnaissance leur vouent nos âmes recueillies !

Quand je reviens à 2 heures de donner sa leçon à Christian M., je vois se répandre le flot des convalescents qui sort du collège transformé en dépôt. Une sympathie de souffrances groupe ces pauvres soldats par infirmités ; à l’escouade des manchots qui vont la manche vide ou épinglée à l’épaule, succède l’escouade des jambes de bois et des béquillards qui n’ont plus démarche humaine. Un borgne guide un aveugle… Deux manchots, l’un d’un bras droit, l’autre du gauche, se promènent côte à côte, car fait remarquer l’un : « À nous deux, nous « présentons » très bien. » Pour ne pas les affliger par des manifestations de pitié, je ne leur montre pas la compassion que je ressens ; mais, quelques mots échangés, le présent d’un journal illustré, l’offre de quelques-unes des oranges que je rapporte du marché, nous a rendus amis ; et grands enfants familiers, les  bronzés me rient de loin des yeux et des dents en me criant : « Bonjour Madame ! »

 

 

Passage en Suisse des grands blessés français. Constance, Zurich, Berne, Fribourg, Lausanne, Genève, Lyon (1915). Photographie. Collection Les Amis des Chadourne.

Passage en Suisse des grands blessés français. Constance, Zurich, Berne, Fribourg, Lausanne, Genève, Lyon (1915).
Carte postale. Collection Les Amis des Chadourne.

Spahi

Cavalier appartenant à un régiment de l’armée française d’Afrique du Nord.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.