Dimanche 12 novembre 1916

 

Pour la troisième fois depuis le début de la guerre, la mort est entrée dans la maison et nous faisons auprès d’un pauvre cadavre la veillée funèbre. Selon ma coutume, j’ai enfermé en moi un bouleversement qui me terrassera seulement quand j’aurai cessé d’être utile. Tandis que les proches accablés , un peu seule dans la chambre mortuaire après une prière et une pensée pour le mort, j’ai commencé de lire dans L’Imitation, à la lueur du cierge, les méditations sur les misères de la vie ; mais une bonne dame est venue me rejoindre et m’a fait des confidences ahurissantes sur elle, son fils, son époux et ses bonnes. Comme si c’eut été le signe d’une grandeur future, elle m’a conté que son petit garçon, avant même de savoir marcher, suçait des morceaux de viande crue que lui donnait le boucher ; qu’aujourd’hui il est un gros mangeur de viande… et qu’il continue à la dévorer crue. Incidemment, elle m’a révélé, sans y voir de corrélation, qu’il avait le ver solitaire. J’ai regretté ma pieuse lecture et déploré que ma veillée funèbre fût rendue macabre par cette conversation qui, pourtant, était une sorte d’appendice grotesque au chapitre des misères humaines.

 

Reposer

Verbe intransitif. Être en état de repos, de tranquillité. Ex : Il ne dort pas, il repose.