Dimanche 22 septembre 1918

La « démoralisation » d’un soldat français.

 

Irène s’était laissé aller à m’écrire : « Mon mari et moi, nous en avons assez de la guerre ! Nous sommes démoralisés. » Choquée, alarmée de cet état d’âme, j’avais répliqué : « Comment vous, ma cousine, la descendante d’une lignée de braves qui allèrent en volontaires délivrer la Terre Sainte, les États-Unis et l’Italie, vous, la petite-fille d’un soldat de l’Empire, vous pouvez vous laisser démoraliser ? Penser à eux doit suffire à vous remonter. Si le moral de votre mari est bas, vous devez le relever ; vous lui ferez ainsi grand bien. Dites que vous êtes : malade, qu’il est épuisé, mais non pas démoralisé. » Avant que ma solennelle épitre fut parvenue, le cousin démoralisé m’écrivait incidemment : « Je viens d’obtenir ma deuxième citation pour avoir, quoique blessé, accompli la mission dont j’étais chargé. Ne vous inquiétez pas, ma blessure n’est pas grave. » Désormais, je saurais que démoralisation veut dire pour un Français, privation momentanée d’occasions de bravoure.