Aujourd’hui, ma monnaie se compose avec 4 sous français, d’un 15 LEPTA grec (chouette !), un vieux sou luxembourgeois, un « cent » américain, une pièce de dix pfennig ; two pence, un sou italien et portugais. Ma bourse témoigne assez du mélange actuel des peuples.
Quand le gouvernement français chassait et dépouillait les religieux de France en promettant au peuple le milliard des congrégations si bien dévoré par les liquidateurs, n’a-t-il pas fait du bolchevisme ? Quand il a établi le moratorium des loyers qui a réduit à la misère beaucoup de familles de propriétaires mobilisés ; quand il encourage maintenant les commissions arbitrales instituées par lui pour régler après quatre années cette situation à ne pas faire rendre justice aux propriétaires de peur de troubles.
Le peuple ne fait que changer d’exploiteurs. De façon ou d’autre, il est mené à l’abattoir à la foire, tondu, vendu, abattu.
N’est-ce pas encore du bolchevisme ?
Voilà un officier, M. L. de Paris, qui rentre d’une captivité de quatre ans dont les souffrances ont détruit sa santé. Il ne retrouve plus une situation qui lui rapportait 10 000 F et l’immeuble à six étages où il avait placé tous ses fonds depuis ces quatre années n’a rien rapporté à sa femme et à ses enfants… Je me trompe : un Russe qui gagnait 16 000 F par an a versé à force de réclamations quelques centaines de francs. M. G. ne serait guère plus malheureux en Russie. Et si le système se généralise, s’aggrave et les culbute, nos gouvernants ne l’auront-ils pas pratiqué ?
Bolchevisme, l’interdiction d’enseigner aux religieux et religieuses…
Bolchevisme, l’émission continue de papier monnaie.
Bolchevisme, la ruée germanique, les massacres d’Arménie. Oh ! des bolcheviki il y en a partout.
Le fleuve débordé, la ruée humaine, élément aveugle qui ne sait où il va et pourquoi.
L’humanité semble parfois devenir un élément ; elle obéit inconsciemment à une force qui la pousse (elle ne sait où) vers le mieux ou le pire. Les Allemands férus de l’Ancien Testament, imbu lui-même de l’esprit des combats impitoyables barbares, primitifs où les femmes coupent des têtes.
Notre démocratie imprégnée du Nouveau Testament, tout charité et fraternité, les saintes Marie succédant aux Judith et aux Débora, Jésus conquérant des âmes seules à David conquérant de territoires et d’hommes, le libérateur au lieu du despote.
Arrivée de nos soldats à Haguenau. Les habitants affamés crient : « Fife le France » mais deux sentinelles sont tuées la première nuit.
Les enfants viennent ramasser et ronger les os et les trognons de choux. Ils se mettent à genoux devant les voitures de ravitaillement et s’extasient à l’aspect des boules de son. Mal ravitaillés quelques jours, nos soldats se privent pour leur donner quelques morceaux. Mais bientôt, tout le monde reçoit des vivres. Taquineries des soldats aux femmes sales et mal mises.
« Vous n’êtes pas bien habillées, Parisiennes jolies, coquettes, corsets depuis là jusque-là.
– Ya ! Ya ! mais nous aller à Paris et acheter corset et robes ! »
Tout le monde rêve de Paris qui a manqué disparaître – même ceux qui voulaient l’anéantir !
Les prisonniers boches disent qu’ils veulent aller l’habiter. Et la population de cette ville compte 1 million de plus en ce moment. Une chambre y coûte 30 F par jour ; des centaines de personnent (sic) couchent dans les gares et d’autres en plein air.
Dénuement des Boches.
Plus de caoutchouc : bicyclettes sans pneus (avec un ressort qui glisse mais fait un grand bruit de ferraille) ; courroies en papier tressé, tirants des wagons idem. Disette : on mange du marc de café, on lèche une boîte de conserve vide.