Mercredi 22 novembre 1916

J’ai distribué autour de moi des chaussettes à raccommoder pour les blessés. Trois cents paires attendent à la lingerie. De malheureux incidents de comités ont éloigné des infirmières ; il faut faire double tâche. Au premier abord, certaines jeunes filles m’ont trouvée indiscrète : « Mais je ne sais pas repriser, je ne raccommode point mes bas c’est ma mère, c’est la bonne… » Peinée et vexée de la réponse, j’insistais et faisais accepter quelques paires « pas trop percées ». Il y a eu des reprises bien laides, trop claires, ou trop épaisses, grimaçantes, mais aussi de bonnes petites patriotes m’ont refait des talons au tricot ; la gentille Mlle C., qui n’a que 15 ans, a exécuté d’énormes reprises si artistement, si « pieusement », que j’ai déclaré ce raccommodage digne d’un héros. Le petit Vendéen à la tête fendue, qui a sauvé son lieutenant, n’y aurait-il pas droit ?