Une Boche trône sur l’Acropole et les Grecs à leur tour déclarent que les traités sont des « chiffons de papier ». J’ai honte et douleur de la dégradation de ce peuple qui combattit les Perses et n’ose résister aux Bulgares ! De cette race qui trahit ses bienfaiteurs, ses amis, ses alliés, son passé, sa culture, ses héritiers, ses fils, qui se trahit soi-même si indignement. « Grecs » ne voudra-t-il plus jamais dire que tricheur, escroc ? Rien ne restera-t-il donc debout de ce que j’aimais et admirais ? Tout tombera en ruines et ces ruines seront lépreuses, hideuses, nauséabondes ! comme celles de Sodome parmi les ruines embrasées, au milieu [des] clameurs de souffrance et d’horreur.
Dante, l’Europe offre une vision d’Enfer. Dans le feu, la fumée, les vapeurs empoisonnées et pestilentielles, s’agitent démons et damnés, Nérons et Judas, couvrant le sol de cadavres et l’abreuvant de sang…
Jamais je n’aurais supposé l’homme aussi féroce, aussi vil qu’il se montre en ce moment. Mon Dieu, si vous vouliez me détacher de tout, sauf de vous, le but est atteint.
Cru 1915.
Qui sera digne de boire, bourgogne, champagne de 1915 où le sang des vignes sera vraiment du sang humain ? « Ceci est le corps, ceci est le sang des braves. » Qui trempera sans frémir ses lèvres dans la coupe où vous scintillerez ? Des héros survivants seuls pourraient communier sous ces espèces. Mais puisque vous êtes des verseurs d’héroïsme, des philtres magiques, beaucoup auraient besoin de quelques gouttes de cette liqueur généreuse et sacrée.
N’est-ce pas à vous qu’il convient d’appliquer les strophes de l’Ode à la Coupe :
Coupo santo
E versanto
Vuejo à plen bord
Vuejo a bord lis estrambord
E l’enavans di fort.
Pom[m]ard, Volney, Chambertin de 1915. Peut-être faudrait-il ne vous verser qu’à genoux pour faire des libations devant les autels ?