Mardi 30 novembre 1915

Chaque matin, en allant à mon travail, je regarde le « papillon » du « Courrier » où sont signalés les faits importants du jour. Quelquefois une ligne me cause une impression de joie fugitive ; mais le plus souvent c’est un choc au cœur qui me laisse tout le jour une douleur sourde. De là-bas, de ces Balkans qui font aujourd’hui un seul champ de bataille avec celui de France, arrivent sans cesse depuis un mois de désolantes nouvelles. La Serbie est martyre comme ses défenseurs, ses villes succombent l’un[e] après l’autre. Aujourd’hui, je lis ceci avec désespoir et indignation : « Le Monténégro envahi. » Toi aussi, vaillant petit peuple d’opprimés indomptables que nous aimons, que nous estimons ! Je me sens comme une pauvre femme qui apprendrait successivement le triste sort de tous ses enfants.