Samedi 1er juillet 1916

 

La Lorraine qui a perdu ses six fils à la guerre et qui défend à sa fille, une jeune femme qui habite Noisy-le-Sec, de prendre le deuil ; les jeunes gens étant morts pour la patrie.

 


Dimanche 2 juillet 1916

 

Mme de Castelnau habite Toulouse. Quand ses petites-filles ne sont pas sages, elle téléphone au général qui, sitôt qu’il peut entre deux ordres concernant la défense de Verdun et l’offensive de la Somme, morigène par téléphone les petites désobéissantes et fait respecter la discipline at home.

Boche, , deux insultes.
Batailles qui en résultent.

 

Embusqué

Militaire affecté, par faveur, à un poste éloigné de tout danger.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.


Mercredi 5 juillet 1916

 

Tout le monde s’est mis à accepter les billets créés par les chambres du commerce dans chaque département.
Une pièce d’argent est une rareté.
Timbres-monnaie.
Disette de sucre – queue chez les fournisseurs – accusations – menaces – bombes – incendies.
Au marché, cherté, manque – pêches, 22 sous la livre ; fraises, 20 sous (avec le sucre ?). Tout a doublé de prix : œufs, 2 F ; un porc de 2 mois, 80 F ; une oie de 25 jours, 6 F ; un poulet nouveau-né, 0,60 F à 1 F.
Propos aigre-doux.

 1919 : oie 12 F ; œufs, 5 F ; fraises, 1,50 F.


Lundi 10 juillet 1916

 

Bébé insupportable que dompte la bonne allemande.

 


Samedi 15 juillet 1916

 

L’abbé Puyjalon retourne au front sur sa demande.

 


Dimanche 16 juillet 1916

 

Nouvelles de . Le malheureux a perdu l’usage d’un œil, de l’ouïe, d’un bras, de plusieurs doigts et ne peut s’alimenter qu’à l’aide d’un appareil. Quelle situation pour un jeune artiste ! et quelle recrudescence d’horreur pour les auteurs de ce massacre soulèvent de telles nouvelles !

 

Martial Ribes (1886-1970)

Martial Ribes est le fils du sculpteur sur bois Vincent Ribes (1851-1920), qui exerça à Brive à la fin du XIXe siècle.

Dans sa jeunesse, Martial Ribes s’initie à la sculpture et travaille avec son père. Mais, durant la première guerre, le 29 mai 1916, grièvement blessé, il est réformé et les séquelles l’empêchent d’exercer son métier de sculpteur. Plus tard, il intègre le Trésor public.

Vincent Ribes en famille, avec à sa droite son fils Léon-Marcel, et à sa gauche, sa seconde épouse Jeanne-Louise Borne et son fils cadet Martial (Doc famille Martinot)

Vincent Ribes en famille, avec à sa droite son fils Léon-Marcel, et à sa gauche, sa seconde épouse Jeanne-Louise Borne et son fils cadet Martial (Doc famille Martinot).

Nous remercions Madame Maryse Chabanier.

Pour en savoir plus : CHABANIER (Maryse), "Martin Vincent Ribes et l'histoire d'un panneau de bois sculpté" dans Bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze, t. 136, 2014, p. 115-137.


Lundi 17 juillet 1916

 

La convention que négocient entre eux les Austro-allemands ne serait-elle pas un mariage in extremis ?

 


Mardi 18 juillet 1916

 

Incidents à la gare. Le buffetier demande des prix exagérés. Un poilu refuse de payer ; le buffetier insistant est traité de Boche, d’, de Juif, et d’épilé ; la querelle s’envenime ; le poilu appelle à la rescousse les permissionnaires qui remplissent un train. Ceux-ci s’élancent à l’assaut du buffet ; le sous-chef de gare, bon stratège, met un train en manœuvre pour leur couper la route et fait donner à leur propre train le signal du départ ; les brioches et le pinard du buffetier sont ainsi préservés ; mais souhaitons que la leçon profite à ce « profiteur ».

Buffet de Brive et Terminus-Hôtel. En face de la Gare...

Buffet de Brive et Terminus-Hôtel. En face de la Gare… Le buffet évoqué par Marguerite Genès est vraisemblablement à l’intérieur de la Gare comme aujourd’hui.
Collection Archives de Brive. 37 Fi 519.

Embusqué

Militaire affecté, par faveur, à un poste éloigné de tout danger.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.


Mercredi 19 juillet 2016

 

Pour ma fête, mes « amis et connaissances » m’adressent des plantes moribondes qui passèrent l’année dans leurs salons obscurs ou leurs jardinets mal soignés : un ficus jauni aux tiges démesurément étirées, un fuchsia rongé par la vermine, une fougère exotique ébranchée, un bégonia chlorotique. Un peu choquée d’abord, je ne tarde pas à me dire : « Bah ! c’est la guerre ! On sait que je m’intéresse aux blessés, on me constitue un hôpital de fleurs ! » Là-dessus, je prends de la terre, des ciseaux, un vaporisateur, je rempote, je taille et j’arrose. L’an prochain, les fleurs reconnaissantes me souhaiteront ma fête très gentiment.

 


Samedi 22 juillet 1916

 

Une femme du peuple, âgée, proprement vêtue, se présente à ma porte ce matin. Avec des regards anxieux, inquisiteurs, elle demande : « Le facteur n’a rien laissé pour moi ? » Sur ma réponse doucement négative, elle s’éloigne pour aller répéter plus loin : « Le facteur n’a pas laissé une lettre pour moi ? » C’est une pauvre mère que la disparition de son fils a rendue folle…

 


Dimanche 23 juillet 1916

 

6 heures du soir.
C’est l’heure où les ménagères, les servantes regagnent leur logis pour apprêter le souper. Sur la petite place, devant mes fenêtres, on se succède à la fontaine. Mais des grondements se font entendre, des lueurs livides sillonnent le ciel éclatant. On lève la tête, on prête l’oreille. Une « gaillarde » qui lave de la salade sous le robinet, crie : « C’est le canon des Boches, ce n’est rien ! » Les hirondelles, qui planent là-haut avec de petits sifflements, semblent dire aussi : « N’ayez pas peur, ce n’est rien ! »

8 heures.
Le calme est revenu, mais un calme lourd d’orages. Une douzaine de gamins piaille et barbote autour de la fontaine. Le ciel est mi-partie rouge et noir, mer de feu, continent, caps et îlots de bitume. Je doute qu’on dorme tranquille.
Les petites font la ronde et chantent :
« Encore un carreau d’cassé
« Vlà l’vitrier qui passe !
« Encore un carreau d’cassé
« Vlà l’vitrier passé »

 


Jeudi 27 juillet 1916

 

La moitié de nos (?) députés patauge dans l’incohérence, s’empêtre dans les intrigues, s’efforce d’échapper au service militaire en se proclamant inspecteurs des armées, enfin, se couvre de honte et de ridicule. Les vrais  et embusqueurs sont à la Chambre. Et ces fantoches voudraient usurper les premiers rôles, et se donner l’air de travailler à la victoire tout en faisant tout ce qu’il faut pour y mettre obstacle !

 

Embusqué

Militaire affecté, par faveur, à un poste éloigné de tout danger.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.


Vendredi 28 juillet 1916

 

Depuis que toute correspondance entre marraines et prisonniers est interdite, j’expédie les colis à notre filleul par le Comité de secours de notre ville. D’autres font comme moi. On me montre des colis retournés aux expéditeurs avec la mention : « inconnu », ou « évadé », ou « décédé ». Seulement le colis et les boîtes de conserves reviennent vides.

 


Samedi 29 juillet 1916

 

Les Prussiens étaient accoutumés à commander à des esclaves, à un troupeau de bêtes féroces domestiquées. Quand ils sont entrés en lutte avec des hommes libres, ils ont été nécessairement vaincus.
Nos pauvres frères du Nord sont emmenés en esclavage par les barbares du XXe siècle ! Tout cela doit se payer par représailles. Appliquons aux Teutons et à leurs œuvres le bannissement perpétuel.