Jeudi 29 mars 1917

 

Laurent est venu deux fois pour me dire adieu et finalement on n’a pu échanger sur le seuil que quelques paroles dans une hâte et un désarroi de pensées. Les mots qu’on se dit dans ces adieux, qui risquent tant d’être définitifs, ne sont pas ceux qu’on a au fond du cœur, qu’on serait tenté de dire, c’est souvent l’opposé. Le soldat s’efforce de paraître gai, confiant ; son interlocutrice affecte une sérénité qui cache mal une secrète inquiétude. On oublie ce qu’on s’était promis de dire et de peur d’en exprimer trop, on s’en tient aux banalités, on fait un dialogue de médecin à malade.