Dimanche 23 juillet 1916

 

6 heures du soir.
C’est l’heure où les ménagères, les servantes regagnent leur logis pour apprêter le souper. Sur la petite place, devant mes fenêtres, on se succède à la fontaine. Mais des grondements se font entendre, des lueurs livides sillonnent le ciel éclatant. On lève la tête, on prête l’oreille. Une « gaillarde » qui lave de la salade sous le robinet, crie : « C’est le canon des Boches, ce n’est rien ! » Les hirondelles, qui planent là-haut avec de petits sifflements, semblent dire aussi : « N’ayez pas peur, ce n’est rien ! »

8 heures.
Le calme est revenu, mais un calme lourd d’orages. Une douzaine de gamins piaille et barbote autour de la fontaine. Le ciel est mi-partie rouge et noir, mer de feu, continent, caps et îlots de bitume. Je doute qu’on dorme tranquille.
Les petites font la ronde et chantent :
« Encore un carreau d’cassé
« Vlà l’vitrier qui passe !
« Encore un carreau d’cassé
« Vlà l’vitrier passé »