Nouveau ministère, ministère de saison, printanier, parfumé à la violette ; Maurice, ministre du Ravitaillement ; Painlevé, ministre de la Guerre ; Desplas, Travaux publics ; Fernand David, Agriculture. Painlevé et Desplas, quelles garanties contre la disette ! David terrassera bien le géant Goliath avec une simple fronde. Ce scandale : un général, au ministère de la Guerre, a cessé ; mais d’où vient qu’on tolère un amiral à la marine au lieu d’y mettre un vétérinaire ou un avocat ? Pourquoi cette dérogation aux salutaires principes de la démocratie citoyenne ? Pourquoi cet antimilitarisme mitigé ? Parce que nul marin ne devint dictateur ?
« Quatre cents femmes de 15 à 40 ans, de Nesles et des alentours, ont été emmenées de force par les Allemands en retraite pour servir d’ordonnances… » Les journaux.
Y a z’une fill’ dedans Paris
Qui n’est si jeune et si jolie
Dedans Paris y a z’une fille
Qui n’est si jeune et si gentille
Quand sa mère l’a eu coiffée
Trois soldats la n’ont emmenée
« Soldats, soldats, laissez ma fille !
Elle est si jeune et si gentille ! »
Un des soldats a répondu :
« Votre fill’ vous ne l’aurez plus
C’est pas pour moi que je l’emmène
C’est pour Monsieur mon capitaine. »
Le capitain’ la voit venir
Qui de pleurer ne peut s’retenir :
« Ne pleurez pas, fille jolie,
Ne pleurez pas, je vous en prie ! »
La bell’ demande un p’tit moment
Pour prier Dieu dévotement.
En priant Dieu de bonne grâce ;
La belle est morte sur place
Qu’on m’apporte du papier blanc
Pour écrire à tous ses parents
Et prévenir sa tendre mère
Que sa fille est morte en prière !
Cette vieille chanson française, souvenir de guerre qui me semblait d’un passé tellement légendaire et lointain, qu’ils la rendent actuelle les affreux bandits teutons ! Qu’elle est en ce moment poignante et déchirante, la plainte du chant populaire ! Si j’étais une des malheureuses femmes enlevées, je tâcherais de crever les yeux à quelqu’un de ces misérables qui ne sont plus des soldats, mais d’immondes criminels et de me faire fusiller : ce serait mille fois plus doux que la vie avec eux.