Lundi 2 décembre 1918

À maintes reprises depuis trois jours, la route et les maisons tremblent au passage des convois d’artillerie lourde américain[s] qui repartent pour Bordeaux. Chaque tracteur traîne sur ses roues à chenille un canon long comme une cheminée d’usine. Très imprudents, les artilleurs yanks, perchés sur ces tubes, agitent des mouchoirs drapeaux ; l’un d’eux, tombé sous le tracteur suivant, en a été sorti laminé. La paix ne ramènera pas le pauvre « fellow » « at home ».

La nuit, ce cortège assourdissant de monstres noirs et gris, vomissant par une cheminée du pétrole enflammé, est bien une vision de guerre moderne. Des aéroplanes – autres bizarres animaux des temps actuels – survolent parfois le troupeau de mastodontes ; et l’air et la terre sont alors pleins de ronflements et de roulements qui éteignent tout autre bruit. Pourtant Hindenburg – le petit âne du Roc – a croisé ce diabolique défilé sans s’émouvoir. Quel poilu !