Mardi 20 mars 1917

 

Ils battent en retraite. Nous recouvrons Bapaume, Péronne, Ham, cent bourgades. Oui, mais tout est dépeuplé, incendié, ruiné, dévasté, les arbres coupés sur le sol déchiré. « La ville qui les voit a figure de morte. » J’ai vécu deux ans dans ces lieux.
Des larmes me viennent au souvenir des villageois de Cacheleux qui m’apportaient, avec des félicitations comiquement pompeuses, un champêtre bouquet à la sainte Marguerite, au souvenir des jolis bois du [Valons ?] tapissés d’anémones, de [jacinthes ?] et de muguets. Beaux pommiers, beaux poiriers qui donnez ce champagne rustique, le cidre ou le poiré, les lâches envieux vous ont abattus et de longtemps les chemins ne seront plus fleuris et les repas joyeux. Ils n’ont même pas laissé d’eau à boire : les puits sont empoisonnés. Sans doute nous avons mérité l’épreuve ? Mais leurs crimes, que méritent-ils ? L’horreur, la haine universelles, ce serait bien trop peu.

L’Illustration, collection archives municipales de Brive, 30C107