Dimanche 11 avril 1915

Dimanche dernier, deux immenses  du dépôt de convalescents, trop régalés en ville et par suite un peu titubants, surpris par l’orage, s’arrêtaient devant ma fenêtre sous une trombe de grêle et d’eau. Leur chéchia à la main, gesticulant, se donnant de grandes explications, s’exclamant tout ruisselants, le crâne haché de grêlons, ils prolongeaient leur station, ravis peut-être de l’ablution envoyée par Allah.
Aujourd’hui, les deux mêmes spahis se sont pris de querelle, nul ne sait pourquoi. Les sergents de ville ont voulu intervenir et l’un d’eux a traité un des adversaires d’Arbico. Celui-ci est entré dans une colère épique : « Pas Arbico, mi, Français ti sais ! » et il a fait pirouetter le sergent de ville ; quatre ou cinq agents ont voulu secourir le premier ; le terrible noir les a bousculés comme des petits garçons ; l’autre « Sénégal » prenait maintenant le parti de son pays ; 200 badauds s’exclamaient autour d’eux. Je m’écrie : « Ti avoir raison, Sénégal, ti vrai bon Français, blessé pour France, ti frère ! » Alors le « Sénégal » veut me serrer la main et tout le monde veut la lui serrer ; les agents s’humanisent et chaque spahi de protester : « C’est pas mi, ti sais. »

 

Abdoulaye N’Diaye, Sénégalais blessé et soigné à l’hôpital de Brive en 1915. Portrait réalisé par Henriette Gautru avec des timbres-poste de l’époque. Collection archives municipales de Brive.

Abdoulaye N’Diaye, Sénégalais blessé et soigné à l’hôpital de Brive en 1915. Portrait réalisé par Henriette Gautru avec des timbres-poste de l’époque.
Collection archives municipales de Brive.

Spahi

Cavalier appartenant à un régiment de l’armée française d’Afrique du Nord.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.