Jeudi 15 avril 1915

Nos gouvernants ont manqué étrangement de clairvoyance en ce qui concerne l’Allemagne ; mais ceux d’Allemagne en ont manqué plus encore en ce qui nous concerne. Sire, vous qui vous piquez de talent musical, vous n’auriez eu qu’à vous faire exécuter par des Français « Le Chant des Girondins », « Le Chant du départ » et « La Marseillaise » pour sentir qu’un peuple capable de tels accents, non seulement ne se laisserait pas écraser comme un ver, mais encore possède une force élastique. Avec de pareils chants, on s’élance radieux au martyre pour la patrie ; soulevé, enlevé par eux, on n’est d’ailleurs plus une faible créature, on a dans les mains des armes d’une trempe divine, au cœur une flamme dévorante, aux épaules des ailes, on est archanges, on terrasse le dragon.

Tant que les nations n’auront pas créé une gendarmerie, une magistrature chargées de surveiller et punir les peuples, les dirigeants assassins et voleurs, la guerre et la paix armée subsisteront et s’aggraveront. Faisons la Ligue des honnêtes gens, mais ayons la force à notre service.
Hymnes des autres nations : œuvres de compositeurs gagés, non d’un soldat héroïque, d’un libre citoyen ; non religieuses, nos hymnes mais superlativement guerriers ; défi, tocsin, charge, grondement de canon, diane de la liberté. Le courage, la liberté, l’orgueil, la justice y mêlent leurs clameurs.