Mercredi 19 février 1919

Douleur, inquiétude. J’ai prié – ce n’est pas la première fois – pour Clemenceau dont j’ai longtemps admiré le talent avant de vouer à son patriotisme une ardente reconnaissance. S’il vit, l’autorité, l’ordre garderont l’avantage ; sa mort peut devenir le commencement d’une terrible guerre civile.

Qui l’a frappé ? Non pas le misérable déséquilibré Cottin mais les Allemands et les Français vendus à l’Allemagne. Un crime boche, avec complicité française de plus. La démocratie allemande égale du premier coup en banditisme l’ex-régime impérial.

Mais avoir permis les menées anarchistes, la propagande, l’impression et la vente des journaux antipatriotes, n’est-ce pas avoir donné toutes facilités au mal ?

 

Le seul fait d’exister nous force à opter entre héroïsme et la lâcheté. N’espérons pas nous raccrocher à quelque moyen terme : c’est l’un ou l’autre et montrer cela aux enfants, et les aiguiller vers la détermination.

Éluder ce dilemme.

 

« L’Allemagne payera. » Si l’on en croyait les politiciens et les journalistes, elle payerait non seulement ses forfaits et nos frais de guerre – ce qui serait juste – mais encore nos prodigalités et nos gaspillages. Pierre dont l’usine a été détruite réclame à bon droit ; mais Paul qui, abusant du moratorium, n’a point versé son loyer prétend de même faire endosser sa dette à cette débitrice universelle « L’Allemagne payera. » C’est l’espoir du profiteur, l’excuse du gâcheur, la consolation du sinistré, le leurre offert un gogo. L’Allemagne semble être devenue une mine d’or inépuisable que les financiers alliés s’apprêtent à exploiter – en exploitant d’abord la crédulité publique par une réclame exagérée et en gardant une si forte commission, que les ayant[s] droit ne recevront qu’une part minime.