Dimanche 20 octobre 1918

Voici, saisi sur le vif, l’éclosion et le vol d’une fausse nouvelle de guerre.

Il est 6 heures. J’ouvre mes fenêtres. Un employé du chemin de fer appelle de la rue un collègue moins matinal et ajoute :

« Paraît qu’on a pris Metz… et 45 000 soldats dedans. On a reçu la nouvelle à 3 heures. »

– Diable ! », fait l’autre que nul doute n’effleure.

Aurait-on pris, pensai-je, quelque petite ville dont le nom ressemblerait à celui de la capitale lorraine ? Eh ! non ! j’y suis ! Les journaux ont annoncé hier que Clemenceau avait reçu les anciennes clés de Metz emportées en 70 par l’ingénieur Dietz. Un imbécile a lu sans comprendre et, de bonne foi, a annoncé la prise de la ville.

Mais le faux bruit s’est répandu, il a circulé tout le jour, le chiffre des prisonniers augmentant sans cesse ; et des voyageurs n’auront pas manqué de le colporter au loin. Puis comme, adoptant les manifestations à la Yank, on a pavoisé, carillonné et joué devant l’hôtel de ville tous les airs nationaux, en l’honneur… du nouvel emprunt ; beaucoup ont attribué tout ce vacarme patriotique à la prétendue prise de Metz.