Vendredi 4 octobre 1918

Le truc du sous-marin :

Un négociant en gros, donc un gros négociant, qui possède une succursale à Casablanca, me prie de lui traduire des lettres d’Espagne. La première annonce que « le vapeur Villarréal de Barcelone a été arrêté par un sous-marin, entre Cadix et Casablanca, et la majeure partie de sa cargaison – y compris les caisses de quincaillerie de mon négociant – jetée à l’eau ; mais que le tribunal des prises de Hambourg fait savoir par l’intermédiaire de l’ambassadeur d’Espagne à Berne, et celui-ci par le ministre d’État, que les destinataires des marchandises ont un délai de deux mois pour réclamer ».

Cela me paraît bizarre : les Allemands, payer de la quincaillerie qu’ils ont employée à faire de l’eau ferrée pour les poissons ? Et comment des belligérants français pourraient-ils réclamer devant le tribunal de Hambourg ? Mais voici une autre lettre ; d’un tiers de celle-là, il ressort que le vapeur espagnol a débarqué sa cargaison à Ténériffe d’où elle est revenue en Espagne pour y être vendue !

« Comment voyageait votre marchandise ?

– À mes risques et périls.

– Elle est payée ?

– Parbleu ! J’ai envoyé moi-même à l’expéditeur 2 000 paires de chaussettes qui, depuis, ont triplé de valeur. Je crois que cette affaire rapportera plus de bénéfices à ces señores qu’à vous. »

Les roublards tirent parti des événements les plus déplorables. L’escroquerie au sous-marin, c’est ingénieux. Ces hidalgos-là semblent s’inspirer plutôt de Gil Blas que du Cid ou de Don Quichotte. Peut-être d’ailleurs la firme espagnole n’est-elle qu’une boutique boche camouflée ?