Jeudi 17 août 1916

 

Longue causerie avec le lieutenant d’artillerie C. Verdun lui laisse le plus sombre souvenir. Pas de vivres, pas d’eau potable ; il y a tant de cadavres, que nombre de puits et de sources sont contaminés ; l’imagination aidant, on trouve un goût de cadavre à toute l’eau qu’on boit ; d’effroyables bombardements des gaz asphyxiants de plus en plus funestes : les derniers aux effets lents avaient empoisonnés même les aliments contenus dans les musettes – les vivres de 5 jours – et les hommes qui absorbaient ces aliments mouraient au bout de deux jours à l’hôpital. Les liquides enflammés font de grands jets éclatants, brûlent 2 ou 3 minutes. Les voir épouvante. Qu’est-ce donc de les recevoir ! La clé de Verdun, c’est Souville. Si les Boches se maintiennent à Thiaumont, ils prendront Souville, puis Tavannes ; mais ils ne s’empareront pas de Verdun avant novembre.
Pourquoi n’employons-nous pas les gaz asphyxiants, les liquides enflammés ? Préparons-nous la guerre depuis quarante ans ? En avons-nous toujours vécu ? La chimie homicide s’est développé[e] surtout outre-Rhin.
, assure C., n’est pas un grand stratège. Il n’a pas préparé la bataille de la Marne. (Halte-là, lieutenant. Et ses ordres du jour ? Instruction générale du 25 août 1914. Notes. Ordre du jour du 6 septembre.) Ceux qui l’ont gagnée, ce sont des hommes à cran, Foch qui a refusé de reculer, disant : « Je suis tourné à droite, je suis tourné à gauche, je fonce en avant ! » et Sarrail, Franchey d’Esperey qui ont répondu : « Allons-y ! » L’infanterie qui était avec nous avait été 30 km en arrière ; elle les refait pour venir se battre. Et puis, ajoute C., qui n’est même pas praticant (sic) : « Lorsqu’on voit qu’avec tous les moyens dont nous disposons, toutes les préparations que nous faisons, après une grande bataille, nous restons presque à la même place, on se dit que cette victoire, voyez-vous, c’est un miracle ! »
Moi je lui applique les paroles de Jeanne d’Arc : « Les gens d’armes batailleront et Dieu leur donnera la victoire. »

 

Photographie. Collection Les Amis des Chadourne. 49 NUM.

Photographie. Collection Les Amis des Chadourne, 49 NUM.

 

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Joseph Joffre (1852-1931)

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 735.

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 735.

Officier général français, artisan de la victoire franco-britannique lors de la première bataille de la Marne, il stabilise le front nord au début de la guerre. Il est nommé maréchal de France en 1916.