Mardi 22 août 1916

 

En visite chez les X, j’avais été révoltée des propos du chef de famille, un  qui s’efforçait d’accréditer les propos, les rumeurs infâmes répandus contre le clergé par les soins de l’Allemagne et de quelques politiciens, ses complices.
« Pour mettre fin à la guerre, affirmait-il, il faut que le peuple fasse une révolution.
– Contre qui ?
– Contre les chefs militaires.
– Vraiment ? C’est pourtant en bonne partie grâce à eux que l’ennemi n’est pas arrivé jusqu’ici et que vos biens sont protégés, et votre femme et vos jeunes filles préservées du déshonneur. »
La femme X, qui fut une douce jeune fille, et que le contact de cet homme et la lecture de certaines feuilles a rendue une mégère, m’énuméra les châtelaines, les femmes riches qui seraient les premières victimes de la révolution.
En vain, je lui  que ces femmes portaient toutes le deuil d’un mari, ou d’un fils. « Voulez-vous, française, faire orphelins de mère les enfants dont les Boches ont tué le père ?… »
Aujourd’hui, je rencontre dans la rue la même Madame X qui esquisse une défense de l’Allemagne.
« Elle a été attaquée.
– Par nous ?
– Non, par d’autres.
– Allons donc ! La guerre a toujours été sa principale industrie. Elle préparait celle-ci depuis quarante ans.
– Les Français l’a lui ont faite sous Napoléon et ont commis d’aussi grands forfaits chez elle.
– D’abord, ils étaient les agresseurs et puis, nous n’avons jamais commis les monstrueux attentats qu’ils perpètrent. La cathédrale de Cologne n’a pas été démolie que je sache comme celle de Reims.
– Oh ! Pour quelques pierres !
– Pardon madame, ces pierres-là étaient parmi les plus sublimes créations humaines ; de grands morts vivaient en elles.
– Et à Verdun ! Quelle tuerie ! Pourquoi tant se détruire pour un peu de terrain ?
– Pourquoi veulent-t-ils tant le prendre ? Ils n’avaient qu’à rester tranquilles. Celui qui, attaqué, ne se défend pas est le dernier des lâches…
– Mieux vaudrait signer la paix qu’anéantir notre génération.
– Non Madame, mieux vaut mourir tous que se préparer à la servitude. Je ne veux pas devenir sujette du monstre  et esclave de ses esclaves. »
Un pauvre «  », amputé d’une jambe, passe alors en se traînant sur deux béquilles.
« Voilà notre jeunesse !, dit la dame avec une feinte compassion.
– Voilà la Kultur, est ma riposte.
– Avant peu, nous serons forcés de nous unir aux Allemands pour chasser les Anglais de France.
– Ceux qui resteront en France, c’est ceux qui y seront ensevelis… », et je laisse l’avocate des Boches mécontente et déçue.
Une clarté sinistre s’est faite dans mon esprit. Je me suis souvenue que cette famille a logé une Allemande, une espionne, et je vois la marque de fabrique de cette espionne dans les propos tenus devant moi : Quoi, ces gens qui se montraient obligeants, amicaux, seraient vendus ! J’éprouve à cette idée du dégoût, de l’horreur, je plaindrais leurs enfants s’ils respiraient une semblable atmosphère. Moins franche, j’aurais abondé dans le même sens et peut-être j’en aurais appris long. Mais s’ils servent d’indicateurs et de provocateurs, je dois avoir un joli dossier en Allemagne ! Vrai, ça me flatte !

 

Embusqué

Militaire affecté, par faveur, à un poste éloigné de tout danger.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.

Représenter

Faire observer quelque chose à quelqu’un.

Guillaume II de Hohenzollern (1859-1941)

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 841.

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 841.

Né à Berlin, Guillaume II est le dernier empereur (Kaiser) allemand et le dernier roi de Prusse.

Texte rédigé par les élèves de seconde du lycée Cabanis lors d’ateliers aux archives municipales de Brive en 2014.

Bluet

Bleuet. Surnom donné par les premiers poilus (porteurs des pantalons « rouge garance ») aux jeunes recrues (à partir de la classe 1915), vêtues de l'uniforme bleu horizon.