Mercredi 2 août 1916

 

Vers dix heures, chaque soir, un train de permissionnaires entre en gare. Les soldats se répandent sur les quais, s’ébrouent, se dégourdissent les jambes, se taquinent, s’amusent comme des « gosses ». Apercevant les curieux sur la passerelle qui enjambe les voies et domine la gare, ils les apostrophent :
« Vous en faites pas !
– On les aura ! »
Un loustic, renchérissant, conclut : « Vous en faites jamais ! »

L’infirmière major de Verdun.
La voie ferrée de Bar-le-Duc est coupée. On ne peut évacuer Verdun. On se réfugie dans la troisième crypte de la cathédrale ; la première est détruite. Incendie de la manutention ; l’évacuation. Des pères de famille recommandent leur femme, leurs enfants ; des fils leurs vieux parents. On sent l’impossibilité de faire ce qu’ils demandent.
Le fils de l’infirmière, en pension à Jersey, est un garçon terrible ( ?). Les pères jésuites n’ont pu le dompter ; il ne veut rien faire. Voudrais-je essayer de le faire travailler pendant les vacances ? Je réfléchis rapidement : la tâche est dure ? Mais quoi, peut-on avoir peur d’un enfant de 13 ans ? C’est le fils d’un officier en ce moment grièvement blessé à l’hôpital et d’une infirmière. Je dois faire pour lui, pour eux, ce que je pourrai… De tout cœur, je m’occuperai du petit rebelle.