Mercredi 4 avril 1917

 

« No ruins in América ! »
« Nous n’avons pas de ruines aux États-Unis, me disait quelques temps avant la guerre, du haut des remparts de Poitiers, une jeune New-Yorkaise avec qui je venais de visiter le palais comtal et les belles églises ogivales et byzantines de la vieille cité. « Vous n’avez pas de ruines, miss, répliquais-je, mais en France, nous en avons trop. Le vandalisme chez nous a devancé l’œuvre du temps et ravi sa parure à notre sol bien des siècles avant l’heure prévue… et dans tous les ordres d’idées, il en a été ainsi : nous vivons au milieu des ruines de tout, institutions, croyances, monuments ; et si les ruines sont grandioses et poétiques, elles sont tristes aussi. Et vous êtes heureux aux États-Unis de n’en pas avoir, de ne pas trébucher sans cesse sur des débris abattus, de ne pas vous sentir menacés par la chute de ceux qui s’apprêtent à crouler à leur tour. »
Aujourd’hui, après les ravages commis chez nous par les Teutons, je crie à la touriste new-yorkaise : « Laissez venir les Allemands chez vous, laissez les faire, vous aurez des ruines ! »