Lundi 8 juillet 1918
Départ d’un renfort – des excitateurs ont passé par là ; les hommes, ivres pour la plupart, mènent grand tapage ; quelques-uns se sont enfuis, on les pourchasse à la baïonnette. Des bluets font faction autour de la caserne. Passe avec un marmot deux femmes, aux cheveux filasse, aux traits durs, à l’air hardi, qui s’écrient :
« S’ils pouvaient tous s’échapper, se révolter !
– Mais, dit le jeune factionnaire, les Boches viendraient vous chercher.
– Tant mieux ! J’en suis une ! »
Voici dans des clameurs, les mutins, encadrés, de baïonnettes. Dégrisés, calmés, ils feront leur devoir et quelques-uns se distingueront sûrement. Je connais ces tapageurs… au fond, leur mutinerie c’est de la gaminerie. Un retardataire sur la route. Il regarde à travers la grille la villa où grimpent les rosiers chargés de fleurs ; le jardin où leur floraison multicolore s’aligne dans les plates-bandes, ou se dresse en cerceaux. Enhardi par quelques libations, le soldat pousse la porte. « Je voudrais une rose pour partir fleuri… » Il en a eu toute une gerbe allant du blanc au grenat sombre en passant par le thé. « Il y en aura pour les camarades. » Et parce qu’une dame lui a donné des roses, l’apprenti grognard reniflant leur odeur s’en va-t-en guerre attendri, sentimental comme un héros de vieille chanson populaire.