Samedi 27 juillet 1918
Pas une goutte d’eau depuis des semaines ; la terre est dure comme un roc ; les près grillés semblent des chaumes ; on ne pourra nourrir les bestiaux. Il faudra en sacrifier beaucoup ; plus tard, il y aura pénurie, on manquera de viande et de lait. En attendant, c’est la disette des légumes dont les prix montent chaque jour ; presque point de fruits, non plus ; les plus mauvais valent plus que primeurs en hiver. Ménagères et marchandes se querellent, bataillent. Parmi les acheteuses, les unes ont recours à la police pour se faire servir à la taxe ; d’autres surenchérissent pour s’assurer les produits. Quelques-unes, telles que moi, louvoient entre les écueils pour rapporter, sans tempête, un maigre butin.
On perd des heures à attendre le pain, à guêter (sic) les laitières. L’existence est un problème difficile.
J’ai découvert un bon moyen pour calmer l’effervescence populaire les jours de disette.
« Pas de pain ? On ravitaille la [troupe ?].
– Ah bon !
– Point de patates ? On les a réquisitionnées pour servir d’abord les soldats.
– On a raison.
– Plus de lait ? Il est arrivé des blessés cette nuit. On l’a pris pour eux.
– Pour sûr qu’ils passent les premiers. »
Les furieux sont transformés en résignés par ces mots magiques : « C’est pour nos soldats. »
Paysanne qui refuse de vendre un panier d’œufs à la taxe. Une acheteuse va chercher un sergent de ville ; furieuse, la paysanne met les pieds dans le panier, écrase les œufs pour que nul n’en profite et dégoutante de jaune est menée au poste.
Les petites claires – La réfugiée musicienne.