Mardi 10 novembre 1914

J’avise, devant une papeterie ambulante, un ramoneur que je prie de venir le lendemain chez moi. « Ce sera aujourd’hui si vous voulez, ou jamais, dit le pseudo-nègre. Je rejoins mon corps demain. » J’engage l’homme à me suivre. Le travail achevé, je lui donne une collation : tranche de pâté, raisins arrosés de vin blanc. On cause. Le ramoneur me conte tristement qu’il est d’Eylac, près de , qu’il a 26 ans, quatre enfants jumeaux deux à deux et une femme enceinte. « Vous allez bien mon garçon ? » Son frère blessé a cinq mioches. D’ailleurs, chez lui, on était douze, et jumeaux deux à deux !
« Comment vous appelez-vous ?
– Bessou. »
Je me mets à rire. Bessou, en limousin, veut dire jumeau. La femme de Bessou est malade, une sale maladie. Épilepsie, phtisie ? Je n’ose faire préciser. Le pauvre diable ne tient pas à la vie pour lui ; mais ses petits !
« C’est dommage, lui dis-je, que je ne puisse pas prendre votre place ; une balle allemande bien ajustée me rendrait service.
– Oh ! non, non, pas vous », dit mon interlocuteur qui, me voyant secourable, s’imagine que ce serait dommage.
Enfin, je promets au pauvre ramoneur de lui envoyer un tricot que je confectionne ; lui, promet de me remercier par une carte ; et vu qu’il va se battre et qu’il est malheureux, je serre sa main noire de suie !

 

 

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 1817.

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 1817.

Servières-le-Château

Commune de Corrèze. Le château sert de prison pendant la première guerre mondiale mais est incendié par des officiers allemands en 1916. Après restauration, il sera utilisé comme préventorium.

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 1606.

Carte postale. Archives municipales de Brive, 37 Fi 1606.